Frontaliers un jour, mais pas toujours… Des Annéciens ont quitté leur emploi en Suisse, malgré un salaire bien plus avantageux, à cause de la fatigue, des charges et du manque de considération. Témoignages.
Souvent, ils sont jalousés. Mais tout, dans le quotidien des frontaliers, est-il vraiment enviable ? Non, à en croire la dizaine de témoignages d’Annéciens compilée ces derniers mois par l’Essor.
Des récits de vie à contre-courant des clichés sur l’Eldorado helvète et du marché de l’emploi, puisque le nombre de personnes travaillant en Suisse progresse à Annecy. Voici les raisons qui les ont poussés à faire machine arrière.
Le salaire vaut-il le coût ?
« On m’avait beaucoup parlé des rémunérations attrayantes du côté suisse. J’ai voulu juger par moi-même », se souvient Michael, 33 ans, responsable de bar durant deux ans, place du Molard à Genève. « Sur le papier, ça l’est. Mais on dégage peut-être 400 ou 500 euros de plus à la fin du mois », compte-t-il. Cet Annécien gagnait alors 6 000 francs suisses brut contre 2 500 euros brut en France. Mais, rappelle-t-il, « il faut une mutuelle, une voiture pour une centaine de kilomètres par jour, garer le véhicule, manger sur place… »
Amandine confirme. Cette infirmière de 47 ans vivant à Faverges-Seythenex a travaillé dans des cliniques suisses de 2012 à 2017, avec une rémunération de 350 francs suisses pour une nuit contre 250 euros en France. « Je me suis rendu compte que le salaire n’est pas aussi mirobolant qu’on peut le croire. Avec les frais d’essence et l’autoroute, ça coûte une fortune. »
D’autant plus que les contrats proposés aux Français ne sont pas toujours en or. « Avantageux, ça l’était il y a quelques années en arrière. Les agences intérim donnent maintenant le minimum. Elles nous filent des salaires de débutants », constate Éric, 48 ans, de Versonnex, qui a fait des chantiers de plâtrerie et de peinture en Suisse de 2016 à 2018.
Sans compter qu’il y a une certaine insécurité de l’emploi. « J’ai pas trop digéré d’être licenciée du jour au lendemain », déclare, amer, Isabelle, 45 ans, d’Annecy. Elle a été employée durant quatre mois, entre 2017 et 2018, dans une boutique de montres haut de gamme d’un centre commercial suisse. « Ils promettent un CDI et appellent le mercredi à 16 h pour dire : demain ne venez pas bosser. »
Un quotidien fatiguant
Ce qui fait surtout relativiser ce salaire élevé, c’est le trajet qu’il faut faire pour le gagner. « C’est vite devenu lassant et fatiguant », témoigne la Favergienne Amandine, qui réside à 70 km de Genève. « Je me suis fait peur sur la route… » Une fatigue aussi ressentie par Isabelle. « Je partais 3 h avant, à 6 h du matin pour 9 h », raconte l’Annécienne. « Et quand il y a de la neige, c’est même pas la peine… »
À la route et aux bouchons s’ajoute aussi un temps de travail dépassant largement les 35 h. « J’ai jamais été autant crevée de ma vie. J’ai fait des semaines de 56 h ! » Une organisation qui impacte donc la vie de tous les jours. « Il y a de vraies contraintes au quotidien, en plus avec une vie de famille », confie Marion, 37 ans, frontalière durant un an en CDD dans l’industrie. « C’est bien beau de gagner sa vie, mais si c’est pour ne pas voir ses enfants ou payer une nounou jusqu’à 20 h… », souligne la Cran-Gevrienne. D’après elle, la situation ne va pas en s’améliorant. « En un an, j’ai vu la différence, avec de plus en plus de trafic. C’est quasiment 2 h 30 dans sa voiture par jour. »
Un statut pas évident
Enfin, ce qui ressort dans les expériences de ces Annéciens en Suisse, c’est une forme de choc des cultures avec nos voisins helvètes. « Les exigences de la clientèle suisse ne sont pas normales. Le client est roi », soupire Amandine, qui a été en poste comme infirmière. « Je me suis retrouvée à aller chercher du saumon avec du pain de seigle pour un patient ! »
Le statut de frontalier n’est d’ailleurs parfois pas évident à porter. « Je me suis rendu compte qu’on était simplement les voisins immigrés venus prendre du travail », remarque Michael, qui a pu s’en rendre compte dans le bar où il travaillait. « Au début, c’était un simple ressenti, après il y a eu des réflexions. »
Les rapports entre travailleurs étrangers ne sont pas toujours chaleureux eux non plus. « Il n’y a pas vraiment d’affinités avec les collègues. Chacun est là pour défendre sa place et son salaire », constate David, 28 ans, qui a travaillé comme paysagiste en Suisse de 2011 à 2018 en vivant à Poisy, puis Annecy-le-Vieux.
Néanmoins il ne regrette pas son expérience. « Je ne vais pas cracher dessus. Ça m’a permis d’avoir un apport pour m’acheter ma maison. »
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Date de mise à jour : 08/04/25
Date de création : 08/04/19
Source : Maxime Petit ES